Abba Arsène disait: "Fuis, tais-toi et recueille-toi!"

PANORAMA, septembre 2008
par ENZO BIANCHI
Pour être authentique, il faut procurer la paix et offrir la réconciliation: entre notre vie – avec ses énigmes – et nous, entre les autres et nous

PANORAMA, septembre 2008

Cher Jean,
Les pères du désert sont des personnages fascinants: ce sont les premiers chrétiens à avoir quitté leur société, au IVe siècle après Jésus-Christ, en Égypte, pour se retirer dans la solitude, y vivre l'Évangile et chercher la rencontre avec cet absolu qu'est Dieu. C'est auprès de ces moines que je veux t'emmener: tu entendras de leur bouche, après plus de mille cinq-cents ans, un enseignement valable aujourd'hui encore.
Arsène, ou mieux: abba Arsène – c'est-à-dire père Arsène – est l'un de ces solitaires. Né à Rome vers l'an 350, il fut ordonné diacre par le pape d'alors, du nom de Damase, mais passa toutes sa jeunesse à Constantinople, à la cour de l'empereur. Ce furent pour lui des années légères et dissipées. Mais vers l'âge de quarante ans, il quitta sa ville et s'établit dans le désert égyptien. Dans cet espace aride et ardent, entre le ciel et le sable, il mena durant plus d'un demi-siècle, et jusqu'à sa mort, une vie d'une extrême austérité.

Je ne citerai qu'une des paroles qui nous a été transmise de lui. Tu n'y trouveras guère de conseils sur la vie chrétienne en tant que telle, mais l'indication des préliminaires exigés pour laisser éclore en toi la vie intérieure. Tu découvriras ainsi les conditions qui pourront t'ouvrir à la prière et te rendre disponible à Dieu et à toi-même.
Un jour, Arsène pria en ces termes: « Seigneur, conduis-moi sur le chemin du salut! » Il cherchait à comprendre comment se comporter pour être considéré juste aux yeux de Dieu et trouver la paix en lui-même. Il entendit alors une voix lui répondre: « Arsène, fuis, tais-toi et garde le recueillement. » À ces mots, Arsène s'enfuit au désert, s'exerça au silence de l'ermitage et chercha la paix dans la vie solitaire.