Abba Poemen: Choisir de se taire
par ENZO BIANCHI
Souviens-toi alors de cette sentence d'un ancien père du désert qui, joignant le geste à la parole, alors qu'on lui demandait « Où pourrions-nous fuir au-delà de ce désert »
PANORAMA, avril 2009
par ENZO BIANCHI
Cher Jean,
Tu le sais bien, les pères du désert nous sont connus avant tout à travers leurs paroles, qui ont été rassemblées dans des recueils par leurs disciples. De leur vie et de ses faits extérieurs, bien souvent, nous ne savons que très peu de choses. Il en va ainsi d'abba Poemen, l'un des anciens du désert égyptien les plus cités (la collection alphabétique des apophtegmes contient plus de 200 paroles qui lui sont attribuées), mais dont la biographie demeure floue. Selon toute vraisemblance, il a vécu à cheval du IVe et du Ve siècles, dans différents lieux du désert d'Égypte, où il est mort à l'âge respectable de cent ans.
À travers l'immense ensemble de sentences qui nous a été transmis de lui, abba Poemen apparaît comme un grand connaisseur de la personnes humaine dans ses aspects ambigus et cachés: c'est un maître du discernement, qui n'aime guère parler des réalités célestes, mais plutôt des passions de l'âme ou de la lutte contre les tentations. C'est là, dans ces choses tout humaines et terrestres, qu'il discerne les réalités vraiment spirituelles. Ses interlocuteurs sont presque toujours des moines qui, comme lui, se sont retirés au désert pour chercher à vivre, dans la solitude, l'unité indéfectible avec leur Seigneur. Il leur apprend, avec un peu de sévérité parfois, à connaître leur propre fragilité et celle des autres, à ne pas se penser supérieurs à eux, à comprendre la situation intérieure de chacun et à vivre la miséricorde.