Isaac de Ninive: «L’homme peut devenir prière»
Panorama
Novembre 2010
Dans l’espace de la communion et de l'amour, celui qui prie parvient peu à peu à voir, par grâce, toute la réalité avec les yeux de Dieu, affirment les pères syriaques
Article de Enzo Bianchi, prieur de Bose
PANORAMA, novembre 2010
Cher Jean,
Pour réfléchir avec toi sur la prière, selon ta demande, je voudrais évoquer un célèbre Père de l’Église syriaque, Isaac de Ninive, dont l’enseignement sur ce sujet est richissime. Isaac est né dans la première moitié du VIIe siècle, sur les rives du Golfe Persique, dans l’actuel Qatar. Alors qu’il menait la vie monastique, il fut appelé pour devenir évêque de Ninive (dans l’actuel Irak). Mais il occupa cette charge durant un temps extrêmement bref : il la résilia en effet à peine six mois après son installation, « pour des motifs connus de Dieu seul », suivant un ancien document. Il se retira alors parmi des ermites, avant de rejoindre le monastère de Rabban Shabur, où il mourra à un âge avancé, aveugle « à cause de sa longue fréquentation des Écritures ».
Dans ses écrits, Isaac de Ninive expose longuement sa compréhension de la prière. S’adressant en premier lieu à des moines qui vivent en solitude, il insiste pour qu’ils s’occupent essentiellement à la lecture de l’Écriture, de laquelle toute prière doit naître. Celle-ci leur donnera « une connaissance lumineuse du dessein de Dieu et de sa miséricorde extrême envers eux ». Celui qui prie s’approchera ainsi toujours davantage de Dieu, jusqu’à se trouver uni, voire « mélangé » à lui par un don gratuit de l’Esprit saint. Car c’est au plus profond de nous-mêmes que la prière devra nous introduire, dans notre cœur, qui constitue « la porte donnant sur le Royaume à venir ». Alors on pourra aller jusqu’à « devenir prière », comme le décrit Isaac :
« Lorsque l’Esprit demeure dans un homme, il ne le quitte pas dès lors que cet homme est devenu prière. Car l’Esprit lui-même ne cesse de prier en lui. Que cet homme dorme ou qu’il veille, la prière désormais ne s’en va pas de son âme. Qu’il mange, qu’il boive, qu’il dorme, quoi qu’il fasse, et jusque dans le sommeil profond, la prière s’élève sans peine dans son cœur. Elle ne le quitte plus. Mais à tous les moments de sa vie, quand bien même elle paraîtrait cesser, elle est elle-même toujours secrètement à l’œuvre en lui. »
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