Grégoire le Grand: «Comprendre les Écritures au milieu de ses frères»

Panorama, mars 2011
L’Écriture ne nous est pas donnée à nous seuls : c’est bien plutôt au contact d’autres auditeurs que nous entendons la Parole dans toute sa profondeur

Article de Enzo Bianchi, prieur de Bose
Panorama
, mars 2011

Cher Jean,

Ces derniers mois, j’ai évoqué avec toi Augustin, Ambroise et Jérôme. Il est toutefois un autre Père que l’on associe souvent à ces trois, bien qu’il ait vécu près de deux siècles après eux : Grégoire le Grand. Ensemble, ils sont considérés comme les quatre grands Pères de l’Église occidentale.

Grégoire, né à Rome en 540, était avant tout un amoureux des Écritures : comme il l’a écrit, son aspiration profonde était de « découvrir le cœur de Dieu dans la Parole de Dieu ». Le désir d’intimité avec le Seigneur lui fit abandonner une brillante carrière politique pour se consacrer à la vie monastique. Or la renommée de ses grandes qualités humaines et spirituelles le propulsa ambassadeur du pape à Constantinople ; il s’y fit accompagner par un détachement de moines, pour partager avec eux l’écoute et la méditation quotidienne des Écritures. Car si, selon Grégoire, c’est « chaque jour qu’il faut méditer les paroles du Créateur », c’est surtout dans la communauté des frères que l’Écriture peut être réellement comprise et mise en pratique. Élu pape – il le sera jusqu’à sa mort en 604 – il maintint cette assiduité avec la Bible et ses frères, même au milieu des multiples engagements de son ministère. Grégoire Ier accepta d’ailleurs comme unique titre celui de « serviteur des serviteurs de Dieu ».

Selon Grégoire, « le seul but de Dieu, en nous parlant à travers l’Écriture, est de nous attirer à l’amour de Dieu et du prochain ». « On découvre l’ineffable puissance de la Parole quand le cœur qui la lit se sent pénétré par l’amour venu d’en haut. » Mais cette découverte n’est pas immédiate ; au contraire, elle progresse toujours : pour Grégoire le Grand, en effet, « l’Écriture grandit avec celui qui la lit », c’est-à-dire que la compréhension du texte biblique s’accroît avec la maturation spirituelle de celui qui le médite et l’interprète. « Plus on fréquente la sainte Écriture, moins on s’en lasse ; plus on la médite, plus on l’aime », écrivait-il.

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