Jean Chrysostome: «Les richesses rendent pauvre»

PANORAMA, mai 2011
Ce n’est que si les biens sont partagés entre tous et en particulier avec les plus pauvres qu’ils peuvent devenir bons, affirme Jean Chrysostome.

ARTICLE DE ENZO BIANCHI, prieur de Bose
Panorama, mai 2011

Cher Jean,

Quelle parole l’Église a-t-elle à dire sur la pauvreté ? Cette question de ta dernière lettre m’a frappé. Je voudrais tenter d’esquisser une réponse en t’indiquant ce qu’en a écrit un Père de l’Église d’Orient au IVe siècle : saint Jean Chrysostome (349-407).

Quelques mots d’abord sur cet auteur : prêtre d’Antioche, Jean devint célèbre par son abondante prédication. Son surnom en grec le rappelle : Chrysostomos veut dire en effet « bouche d’or ». En 398, Jean est nommé patriarche de Constantinople. Mais la grande franchise évangélique de ses discours et de ses initiatives lui provoque des inimitiés. Il est forcé à l’exil à deux reprises et c’est en en gagnant à pied son second lieu de déportation dans le Caucase, au prix de marches forcées, qu’il mourra d’épuisement.

Ses écrits touchent tous les sujets de la vie chrétienne, depuis l’exégèse biblique jusqu’aux thèmes sociaux ou moraux : c’est là que s’inscrit son enseignement sur les implications spirituelles des richesses et de la pauvreté. Pour lui, la terre a été créée pour tous ; chacun a dès lors le droit d’en profiter : « Au commencement, Dieu n’a pas rendu l’un riche et l’autre pauvre, mais il a donné à tous la même terre. Les fruits de la terre doivent donc être communs à tous. » Jean en arrive à cette conclusion : « Le mien et le tien ne sont autres que des mots privés de fondement réel. Si tu affirmes que cette maison est à toi, tu prononces des paroles inconsistantes : de fait, l’air, la terre, la matière appartiennent au Créateur, de même que toi, qui l’a construite. Et il en va ainsi de tout le reste. »

Le thème de la pauvreté est facilement manipulable : en extrapolant un peu, il est possible de fonder sur certains textes évangéliques un rigorisme aussi radical qu’irréalisable. À l’inverse, on peut considérer, avec désinvolture, que les richesses ne constituent pas une entrave à la vie chrétienne. Sans idéologie, Chrysostome ramène alors le débat à l’essentiel du message néotestamentaire, et l’inscrit dans le contexte social où sont insérés les chrétiens.

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