Guillaume de Saint-Thierry: «Respire le Saint-Esprit»
Article d'Enzo Bianchi, prieur de Bose
PANORAMA, octobre 2011
Cher Jean,
Au fond qu’est-ce que la vie spirituelle, dont je te parle si souvent sans vraiment la définir ? C’est toi qui me poses cette question dans ta lettre que je viens de recevoir : je veux maintenant tenter de te répondre en évoquant l’enseignement d’un maître spirituel d’il y a près de neuf siècles : Guillaume de Saint-Thierry.
Guillaume était abbé du monastère bénédictin de Saint-Thierry (Reims) au début du XIIe siècle. S’étant lié d’amitié avec Bernard de Clairvaux, il abandonna sa charge abbatiale et, âgé d’une cinquantaine d’années, prit l’habit cistercien. Dans son nouveau monastère des Ardennes il rédigea divers écrits, et notamment une lettre adressée aux moines de la chartreuse du Mont-Dieu, qui connut une grande fortune sous le titre de Lettre d’or. Guillaume y affirme que la vie spirituelle promet à ceux qui s’y lancent « le goût, l’intelligence, la connaissance, la jouissance »… S’il s’agit d’une « tâche ardue », elle bénéficie toujours du soutien de Dieu lui-même, lequel « accorde la grâce qui fait vouloir et la force pour réussir ; c’est lui qui prendra cette cause en main », assure l’ancien abbé de Saint-Thierry.
Le fondement de la vie spirituelle est avant tout l’exigence de sens qui habite la personne humaine. Pour trouver ce sens, on doit donc chercher, vivre, expérimenter en profondeur : voilà pourquoi la vie spirituelle peut aussi être appelée vie intérieure. Elle appelle la personne à entrevoir ce qu’il y a de plus profond en elle, ses motivations ultimes, son fondement vital, ses idéaux. Elle prend pour devise, même sous la plume de Guillaume de Saint-Thierry, l’adage qui était déjà celui de la philosophie ancienne : « Homme, connais-toi toi-même ! »
Cette vie intérieure ou spirituelle appartient donc à tout homme, et chacun peut choisir de la développer ou de la laisser en friche. Toutefois, la vie spirituelle chrétienne va plus loin : elle n’est pas le fait de tous, mais seulement de ceux qui « se laissent guider par l’Esprit de Dieu » (voir Ga 5,18). La vie spirituelle chrétienne ne peut être en effet qu’une réponse de foi, d’espérance, de charité au Dieu qui nous appelle et se rend efficacement présent dans notre existence. Elle naît de la parole adressée par Dieu au chrétien dans le baptême : « Tu es mon fils ! », fils dans le Fils Jésus Christ, et donc fils bien-aimé.
- 1
- 2