La bonne nouvelle de la Pâques

GIOTTO, Résurrection
GIOTTO, Résurrection
Lettre aux amis n° 48
L'heure que nous vivons n'est pas différente de celle de l'aube de Pâques. Aujourd'hui comme alors, en tant que croyants, nous peinons à croire. La communauté chrétienne cède à l'incrédulité et à la dureté de cœur

  Chers amis, chers hôtes, et vous qui nous suivez de loin,

Par cette lettre qui vous parvient au terme du temps pascal, nous avons pensé vous faire prendre part à la réflexion qu'a amorcée le prieur fr. Enzo Bianchi au cours de la nuit de Pâques. En ces temps tourmentés, durant lesquels la foi et le témoignage chrétien sont mis à l'épreuve par les événements quotidiens et par les horizons qui s'en profilent, il devient toujours plus urgent d'enraciner la lecture des signes des temps dans la parole de Dieu contenue dans les Écritures: ce n'est qu'ainsi que l'aujourd'hui de Dieu peut également devenir l'aujourd'hui de l'histoire, notre aujourd'hui d'hommes et de femmes disciples du Seigneur de l'histoire et des événements.

Les frères et les sœurs de Bose

De l'homélie de fr. Enzo Bianchi durant la veillée pascale

En écoutant l'annonce, la bonne nouvelle de l'évangile de la résurrection de Jésus, nous sommes parvenu au terme du cheminement commencé le soir du jeudi saint, un cheminement à a suite du Christ, un cheminement dans sa passion-mort-résurrection.

Une fois encore, à travers des signes, des gestes, des paroles vécues, nous avons été impliqués à travers l'Esprit saint dans la vie de Jésus, nous avons été ensevelis avec lui pour ressusciter avec lui. Nous avons vécu le mystère-sacrement pascal, et nous le vivons encore: il agit en nous plus que toute autre chose, en nous conformant au Christ, en nous modelant comme chrétiens. Nous avons écouté les paroles de Dieu contenues dans les saintes Écritures, à travers les célébrations liturgiques, nous avons vécu ce que Jésus a vécu. Et maintenant, il ne nous reste qu'à accueillir dans le cœur l'annonce de la résurrection, de l'accueillir pour y adhérer, pour croire, non par des certitudes – car les certitudes ne nous sont pas données tant que nous cheminons à la umière de la foi et non de la vision – mais à travers des convictions, oui des convictions dont nous demandons à l'Esprit saint qu'il les rende fermes, persévérantes.

Nous voici à la contemplation et à la méditation de l'évangile de la résurrection, celui de Marc (16,1-8) cette année, selon le vouloir de l'Église. C'est un récit sobre, dépouillé, mais capable, pour cette raison précise, de nous offrir l'« évangile », la bonne nouvelle. Prêtons donc attention aux mots que le messager adresse aux femmes venues au tombeau: si les disciples et les femmes écoutent les mots de Jésus, ils le verront, lui qui les précède tous sur chaque route du monde. Marc nous fait comprendre que les femmes, au lieu du corps mort de Jésus, ont trouvé la Parole, la parole de Dieu qui est aussi la parole de Jésus, comme en témoigne le jeune homme vêtu de blanc: « Il n'est pas ici, il est ressuscité, il vous précède en Galilée, comme il l'avait dit. » Parole de Dieu et parole de Jésus deviennent l'unique parole. Mais si les disciples croient à cette parole: « Le crucifié n'est pas ici, il est ressuscité », alors ils seront capables de le voir. Jésus, en réalité, transforme sa relation avec les disciples, il ne reprend pas la vie qu'il avait auparavant; les disciples et les femmes doivent faire mûrir le rapport qu'ils avaient avec Jésus, mais la parole: « Le crucifié est ressuscité » est désormais l'évangile qui court dans le monde, et là où se trouve l'évangile, il est possible de reconnaître Jésus qui précède.


 

Toutefois, la finale de Marc reste pour nous extrêmement décevante. Les femmes, sorties du tombeau, fuient pleines de peur et de stupeur; elles ne sont pas capables d'obéir à la parole de Jésus. Il leur a été demandé: « Allez, dites à ses disciples et à Pierre: “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez comme il vous l'a dit.” » Et bien que Jésus l'ait déjà annoncé plus tôt, dans la vie, « les femmes fuirent pleines d'effroi et de stupeur et ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » Et nous savons tous que c'est ainsi que se conclut l'évangile de Marc, tout au moins celui qu'a écrit Marc: c'est une conclusion qui nous blesse, et qui peut également sembler une blessure infligée à notre joie pascale. Elles, précisément, transgressent l'ordre de l'ange, fuient, ne disent rien à personne, en raison de l'effroi. Et c'est ainsi que se conclut l'évangile: « Ephoboûnto gár », « elles avaient peur en effet ».

Dans la conclusion canonique, qui a été ajoutée (Mc 16,9-20) mais qui contient la parole de Dieu autant que l'évangile rédigé par Marc, on lit toutefois quelque chose qui peut nous blesser davantage encore. Il est écrit que les disciples, ayant entendu qu'il était vivant et qu'il avait été vu par Marie de Magdala, « ne voulurent pas croire ». Aussitôt après, on lit encore que, à l'annonce de deux disciples qui étaient en chemin vers la campagne, à eux non plus « ils ne voulurent pas croire ». Ainsi Jésus lui-même leur apparaît et leur reproche leur incrédulité et la dureté de leur cœur: aux disciples, hommes et femmes, Jésus devra reprocher leur apistía, leur manque de foi, et leur sklerokardía, leur dureté de cœur. Et malgré cela, lorsqu'il leur apparaît, Jésus leur dit: « Et une fois que vous serez allés dans le monde entier, annoncez la bonne nouvelle. »

Chers frères et chères sœurs, voilà l'Église des jours qui ont suivi la résurrection. Voilà l'Église, l'Église qui même en cette aube de Pâques, pleine de la parole de Dieu et de Jésus, n'est pas capable de croire à cette parole. Une Église pécheresse, et coupable du seul vrai péché qui est la cause de tous les autres véritables péchés: l'incrédulité et la dureté de cœur face à la parole de Jésus.


 

Aujourd'hui dans l'Église, nous vivons une heure difficile; ce n'est pas un moment facile et l'on affirme de plusieurs côtés – sans abuser de cette parole, je crois – qu'il existe une crise également au sein de l'Église, dans la vie chrétienne. Et c'est vrai: les temps sont difficiles. Mais ces temps ne sont pas différents de cette aube de Pâques. Aujourd'hui comme alors, en tant que croyants, nous peinons à croire. La communauté chrétienne cède à l'incrédulité et à la dureté de cœur. En ce matin de Pâques comme aujourd'hui, cet espace vide laissé par Jésus ne suffit pas à l'Église pour qu'elle écoute simplement sa parole. En ce matin de Pâques, comme aujourd'hui, l'Église demander davantage que le tombeau vide et la parole de Dieu et de Jésus dite par ce jeune enveloppé d'un habit blanc.

Et toutefois Jésus continue de nous dire, aujourd'hui comme à l'époque: « Et allez et annoncez la bonne nouvelle que Christ est ressuscité des morts ». Et malgré la pauvreté, malgré le peu de foi, malgré la dureté de cœur, l'Église l'a fait en cette aube de Pâques et elle continue de le faire. Mais il n'y a pas d'autre statut pour l'Église dans le monde: l'Église peinera toujours à croire, elle sera toujours tentée de s'appuyer à autre chose qu'à la parole de Dieu. Chacun de nous est appelé à se considérer soi-même, à considérer sa communauté: or personne ne peut dire que nous sommes exempts de ce mal. Nous ne sommes pas même à la hauteur de ces disciples des jours de Pâques, parce que eux, quoi qu'il en soit, malgré l'apistía et la dureté de cœur, ont ensuite donné leur vie pour le Christ. Nous ne l'avons pas encore donnée, comme eux, jusqu'au sang. Au jour du jugement il nous sera dit clairement ce que nous avons véritablement donné au Christ, si nous avons ou non offert notre vie pour lui, individuellement, comme communauté, comme Église.

Mais la bonne nouvelle pascale est plus forte que notre manque de foi, et elle peut vraiment rendre tendres nos cœurs. Attachons-nous à cette bonne nouvelle pascale – qui est la seule espérance que nous ayons – et, si nous y parvenons, communiquons-la à nos frères et à nos sœurs en humanité, car il s'agit de notre unique dette envers eux: Christ est ressuscité, l'amour a vaincu la mort en lui. Si nous sommes capables d'amour, de son amour, alors nous vaincrons nous aussi la mort avec lui.

Bose, Veille de Pâques 2009

  Le prieur de Bose
fr. Enzo

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