Communiqué de presse final

XIXe Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe
XIXe Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe
Bose, 12 septembre 2011
XIXe Colloque œcuménique international
de spiritualité orthodoxe

Dieu se révèle à l’homme, mais il demeure caché : il attend la réponse de l’homme. L’Écriture sainte révèle Dieu

Bose, 12 Septembre 2011

XIXe Colloque œcuménique international
de spiritualité orthodoxe


Bose, mercredi 7 - Samedi, 10 Septembre, 2011
en collaboration avec les Églises orthodoxes


LA PAROLE DE DIEU
DANS LA VIE SPIRITUELLE

 « Si Dieu n’avait pas voulu se raconter à nous, rien dans la création n'aurait été capable de parler de lui », chante une hymne d’Ephrem le Syrien (Sur la foi 44,7). Dieu se révèle à l’homme, mais il demeure caché : il attend la réponse de l’homme. L’Écriture sainte révèle Dieu, et amorce en même temps le chemin que l’homme entreprend dans son cœur pour chercher et trouver Dieu, pour écouter sa Parole et y répondre. C'est là également l’itinéraire de la vie spirituelle.

« La Parole de Dieu dans la vie spirituelle » a été le thème sur lequel des biblistes, des patrologues, des théologiens et des représentants de différentes Églises orthodoxes, de l’Église catholique et des Églises de la Réforme, ont réfléchi pendant les quatre jours d’intense étude et de dialogue fraternel du XIXe Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe (Bose, 7-10 Septembre 2011). Le Colloque, ouvert par les discours prononcés par le prieur de Bose, Enzo Bianchi, et par le métropolite Chrysostomos de Messénie de l’Église orthodoxe de Grèce (La Bible dans la célébration liturgique), s’est terminé avec les conférences du Métropolite Elpidophoros de Bursa (Patriarcat de Constantinople), au sujet de La Sainte Écriture dans la vie spirituelle, et du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, sur L’importance de la Bible pour la théologie orthodoxe.

Dans la tradition orthodoxe – comme l’ont souligné plusieurs conférenciers – l’unité de l’Écriture sainte et de l’exégèse dans l’Esprit demeure fondamentale. L’assimilation orante de la Parole de Dieu au sein de la tradition, comprise comme l’œuvre incessante de l’Esprit révélant le mystère du Christ, s’accomplit dans la liturgie, dans la prière personnelle du chrétien, dans les diverses formes de la tradition monastique. Le principe de la lecture spirituelle de la Bible a été synthétisé – comme l’a rappellé le patriarche de Constantinople Bartholomée Ier dans son message adressé aux participants au Colloque – par Marc le Moine, au Ve siècle : « Un homme à l’esprit humble et qui œuvre de façon spirituelle, en lisant les divines Écritures, en aura une intelligence tournée vers lui-même » (La Loi spirituelle 4, SC 445, p. 74-75). Faisant écho à une célèbre image d’abba Poemen, le Patriarche espère que la rencontre avec la Parole vivante de Dieu – comme l’eau qui, goutte par goutte, creuse le rocher – transforme, verset après verset, « nos vies en cellules vivantes du Corps du Christ ». « Les questions choisies pour la discussion de cette année », a observé, à son tour, le patriarche de Moscou Cyrille Ier dans son message, « nous poussent à réfléchir sur les fondements mêmes de la vie chrétienne », et elles invitent chacun de nous à « tourner l’œil de notre esprit à l’Écriture Sainte », afin que, selon l’exemple des saints Pères, « la lecture de Saintes Écritures revigore l’observance des commandements du Seigneur et la sequela Christi ». L’obéissance à la Parole de Dieu contenue dans l’Écriture, « aimée tant en Orient qu’en Occident » est également la voie pour « renouveler l’engagement de la communion spirituelle » qui unit les chrétiens, comme l’a affirmé le Pape Benoît XVI, dans un télégramme envoyé par son Secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone. « La rencontre avec les Saintes Écritures, vécue comme un événement spirituel, et donc comme véritable rencontre avec la Parole du Dieu vivant », écrivait le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, portera des fruits importants « dans les relations entre les chrétiens de différentes Églises et entre les Communautés ecclésiales ».

Les messages de vœux parvenus ont été assez nombreux : nous rappelons ici ceux du Patriarche Ignace IV d’Antioche, d’Irénée, Patriarche de l’Église orthodoxe de Serbie, de Daniel, Patriarche de l’Église orthodoxe roumaine, de l’Archevêque d’Athènes Jérôme II, du Catholicos de tous les Arméniens Garechin II, du cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, de l’Archevêque de Canterbury Rowan Williams, du Métropolite Philarète de Minsk et Sluck; de Mgr Mariano Crociata, secrétaire général de la Conférence des évêques d’Italie ; du dr. Olav Fikse Tveit, Secrétaire Général du Conseil œcuménique des Églises.


Parmi les représentants de différentes Églises qui ont pris la parole, intervenant au cours des séances du Colloque, nous rappelons les Métropolites Georges du Mont Liban et Paul d’Alep (Patriarcat d’Antioche), les Évêques Kliment de Krasnoslobodsk (Patriarcat de Moscou), Porphyre de Jegar (Église orthodoxe serbe), Grégoire de Veliko Tarnovo et Boris Agatonitsa (Église orthodoxe bulgare), Seraphim (Sigrist) (Église orthodoxe d’Amérique), le cardinal Angelo Sodano, ancien Secrétaire d’État  Vatican et Doyen du Sacré Collège, l’évêque de Pistoia, Mgr Mansueto Bianchi, président de la Commission pour l’œcuménisme et le dialogue au sein de la Conférence des évêques d’Italie ; l’évêque de Biella, Gabriele Mana, ordinaire du lieu, Arrigo Miglio, évêque d’Ivrée, secrétaire de la Conférence épiscopale du Piémont, le p. Andrea Palmieri, officiel du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens, le p. Constantin Preda (Église orthodoxe roumaine), délégué du Patriarche Daniel, le p. Ruben (Zargaryan) (Église apostolique arménienne), représentant du Catholicos de tous les Arméniens Karékine II, l’archimandrite Athénagoras (Fasiolo) (Archidiocèse orthodoxe d’Italie et de Malte), le Chanoine Jonathan Goodall (Église d’Angleterre) délégué de l’Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, et le dr. Michel Nseir, représentant du Secrétaire Général du Conseil Œcuménique des Églises, Olav Fikse Tveit.

Les travaux du Colloque ont été ouverts par des interventions visant à présenter la compréhension spirituelle de l’Écriture chez les Pères de l’Église. La centralité de l’Écriture dans la vie spirituelle est une donnée constante chez des auteurs comme Jean Chrysostome (La Parole pour la vie du peuple de Dieu : saint Jean Chrysostome, p. Dimitrij Jurevi?), saint Ephrem le Syrien (Saint Éphrem le Syrien chantre de la Parole de Dieu, Sebastian Brock), les Pères du désert (La Bible dans l’expérience spirituelle des Pères du désert, Luigi d’Ayala Valva) et Grégoire le Grand (La lectio divina comme contemplation de la Parole : saint Grégoire le Grand, Photios Ioannidis), jusqu’à Théophane le Reclus, un auteur pétri de l’esprit des Pères, (Exégèse et vie spirituelle : saint Théophane le Reclus commente les Psaumes, Natalija A. Suchova). Chacun de ces auteurs – et donc le monde grec, syrien, égyptien, latin et russe – nous rappelle le caractère incontournable de la méditation des Écritures.

La Colloque a ensuite abordé la question de savoir comment l’exégèse des Pères, qui ont eu recours aux outils de leur époque pour l’analyse et la compréhension du texte, peut être repensée aujourd’hui et intégrée à l’approche historico-critique, sans étroitesse d’esprit préjudicielle. Cette question d’actualité a été examinée selon des perspectives différentes dans l’intervention de Daniel Ayuch (Les Pères et les herméneutiques de la Bible), de John Fotopoulos (Exégèse historico-critique de la Bible et Orthodoxie), d’Anatolij A. Alekseev (Renouveau spirituel et études bibliques en Russie entre le XIXe et le XXe siècle). Il ne s’agit pas seulement d’un débat académique, mais d’une question vitale pour l’avenir des différentes Églises, comme on l'a remarqué au cours de la table ronde, présidée par le Père Michel Van Parys, consacrée à La Bible dans la tradition orthodoxe hier et aujourd’hui, qui a offert une clef de lecture ecclésiale, missionnaire et eschatologique de la Bible (ont pris la parole les évêques Porfirije de Jegar, Boris d’Agatonitsa, Kliment d’Krasnoslobodsk, le prof. Petros Vassiliadis et le dr. Michel Nseir).


La relation entre l’exégèse et la vie spirituelle a été approfondie et débattue lors de la table ronde consacrée à La Bible dans l’expérience monastique aujourd’hui, présidée par le fr. Adalberto Mainardi, avec les apports de l’higoumène Iakovos de Petraki, de l’archimandrite Serghei de New Valamo, de l’higoumène Petr Meš?erinov du monastère Danilov de Moscou, du père Cesare Falletti, prieur du monastère cistercien Dominus tecum, du père Christopher Savage de New Skete aux États-Unis. La présence de nombreux moines et moniales, orthodoxes, catholiques et protestants, venant de monastères de Grèce, Russie, Syrie, Serbie, Bulgarie, Roumanie, Finlande, du mont Sinaï, de l’Arménie, Éthiopie, Égypte, États-unis, Belgique, Angleterre, France et Italie, a été un signe encourageant pour mesurer l’urgence d’une présence renouvelée de l’Écriture, non seulement dans la piété personnelle du moine et du chrétien, mais dans tous les domaines de la vie communautaire. On a besoin d’une véritable « pédagogie » au discernement de la Parole de Dieu, car ce discernement est souvent très difficile à cause du manque de véritables guides spirituels.

Parmi le questions soulevées pendant les discussions, plusieurs ont été reprises par les deux conférences de la dernière journée, qui ont tracé idéalement une synthèse des travaux du Colloque. « Il n’y a aucune spiritualité et aucune conduite de vie orthodoxe véritable et authentique », a déclaré le Métropolite Elpidophoros de Bursa, « si elle n’est pas fondée sur les Écritures saintes et si elle n’est pas inspirée par celles-ci : l’Écriture Sainte est la source, le commencement et le fondement de ce que l’on appelle ‘spiritualité orthodoxe’. La spiritualité orthodoxe ne se limite pas à de belles idées, à de pensées sublimes et à de réflexions charmantes ; il s’agit plutôt d’un ethos ecclésial équilibré et authentique, un style de vie pur, un comportement vertueux, une attitude et une conduite de vie précis ... La spiritualité c’est la grâce d’une vie vécue dans l’Esprit Saint ; c’est une vie purifiée par l’Esprit Saint, après un combat mené en vue de la pureté ». En découle une mission spéciale pour l’Église : celle de « se rapprocher aimablement des hommes pour leur apprendre à aimer et à être aimé. Chacun de nous – comme on lit dans les apophtegmes des Pères du désert – est appelé à devenir ‘comme le feu’, pour toucher le monde avec la force mystique de la Parole de Dieu, de sorte que … le monde même puisse dire : ‘Quelqu’un m’a touché’ (cf. Mt 9,20) ».

Cette nécessité de conjuguer l’écoute de la Parole de Dieu avec l’écoute de l’humanité contemporaine, a été largement partagée par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, qui dans sa conférence a déclaré « certainement fausse » l’idée que « le chrétien orthodoxe doive rejeter la critique biblique, car elle serait issue des études du milieu protestant ». «Les études historico-critiques aident à reconstituer le contexte historique de l’Écriture, à mieux comprendre comment les mots de l’Écriture étaient compris par ses premiers lecteurs et auditeurs ». Si « sur la base des présupposés mêmes de la science biblique moderne, l’interprétation spirituelle de l’Écriture, fondamentale pour les saints Pères, reste en dehors du champ visuel », il convient de rappeler que la méthode historico-critique et l’herméneutique biblique spirituelle « se penchent sur la Bible à partir de deux points de vue différents », mais « ces points de vue ne sont pas en conflit l’un avec l’autre ». « La tradition orthodoxe conçoit les Écritures comme un fondement », a poursuivi le métropolite Hilarion : « Le chrétien orthodoxe doit connaître la Bible et vivre selon la Bible. Être un chrétien orthodoxe sans connaître la Bible est absurde et trompeur ». D’où la nécessité, pour l’Église orthodoxe russe, d’une nouvelle traduction qui prenne « en compte les résultats de la science contemporaine » et qui emploie « toute la palette des moyens de la langue littéraire russe pour transmettre la beauté et la multiformité des textes bibliques … sans s’éloigner de la tradition ecclésiale ».


 

Le programme du Colloque a été élaboré, en collaboration avec les Églises orthodoxes, par le Comité scientifique présidé par le p. Enzo Bianchi, et composé entre autres par le p. Hervé Legrand (Paris), le p. Michel Van Parys (Chevetogne) et le professeur Antonio Rigo (Université de Venise), afin de faciliter la rencontre entre les différentes Églises et les traditions spirituelles d’Orient et d’Occident. Le fruit de cette rencontre a été la possibilité de « mettre en lumière certaines tesselles – comme s’est exprimé le fr. Sabino Chialà dans ses conclusions lues au nom du Comité scientifique – d’une mosaïque qui demeure encore largement cachée : la mosaïque de l’Écriture », dans laquelle cependant « nous est révélé le visage de Celui dont nous nous appelons et nous voulons être les disciples : le Fils de Dieu, que le Père nous a envoyé pour faire de nous ses fils dans l’Esprit Saint ».

La vingtième édition du Colloque œcuménique international de spiritualité orthodoxe, dont le thème sera annoncé après la réunion du Comité scientifique qui se retrouvera au mois de novembre 2011, se tiendra du mercredi 5 au samedi 8 septembre 2012. Est également prévue pour juin 2012 la publication des Actes de ce XIXe Colloque, tandis que les Actes du XVIIIe Colloque, Communion et solitude, sont déjà disponibles.


LA PAROLE DE DIEU
DANS LA VIE SPIRITUELLE