Le sens de notre vie monastique



    À leur caravane s’unissent, avec le temps, de nouvelles personnes, mais le chemin est long : même ceux qui, à un certain moment, se sont engagés à suivre ce chemin sont tentés de prendre d’autres voies. C’est le démenti de la vocation, c’est la trahison de l’alliance, c’est l’attitude de qui a mis la main à la charrue puis se retourne en arrière (voir Lc 9,62). Et qui peut nier que nos jours semblent précisément marqués par la facile rupture des engagements pris, dans le mariage ainsi que dans d’autres vocations chrétiennes ? Même notre communauté a connu récemment ces déchirures, ce reniement d’un chemin parcouru, d’une route qu’on avait prise par amour et dans la liberté. Mais le Seigneur, devant lequel nous sommes, sait, il voit, et recueille toutes les larmes dans sa main (voir Ps 56,9) sans les oublier. La vie monastique, qui traverse actuellement une situation difficile dans toutes les Églises d’Occident, n’est que cela : une caravane parmi les autres qui composent l’Église pérégrine, mais une caravane qui vise avec décision et fermeté le Royaume à venir, qui tend vers la rencontre avec Jésus Christ, celui que nous voulons, en tant que moines, aimer au-delà de tous et de tout, celui à l’amour duquel rien n’est préféré : nihil amori Christi praeponere, comme y invite encore saint Benoît (RB 4,20)!

   Et en cette nuit nous sommes ici parce que nihil operi Dei praeponimus (voir RB 43,3), nous ne préférons rien à l’œuvre de Dieu, à nous tenir devant Dieu, c’est-à-dire croire, adorer, confesser son Fils. L’Opus Dei est l’œuvre par excellence qui nous a été demandée par Jésus, quand il a averti ceux qui voulaient le suivre : « L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé » (Jn 6,29). Nous contemplons maintenant Jésus transfiguré, à travers la parole de l’Évangile selon Marc qui en fait le récit et en témoigne, et depuis toujours nous avons voulu que cette fête marque aussi l’adjonction de nouveaux membres à notre caravane, de sorte que nous célébrons maintenant aussi la profession monastique solennelle et définitive de quelques frères et d’une sœur. C’est la célébration de notre alliance entre nous et avec le Seigneur, c’est notre « Amen » à l’appel de Dieu et à la communion entre frères et sœurs qui nous engage à vivre ensemble jusqu’à la mort. Ce que beaucoup d’entre vous ont célébré par le mariage chrétien, en établissant une alliance entre époux et avec Dieu, qui en est le garant, ce geste d’alliance, nous le vivons, comme moines, dans le célibat et dans la communauté.