Une nuée de témoins. Message adressé aux Églises


2. Qui sont les témoins?

2.1 Une fois de plus, nous avons commencé nos échanges en reprenant l'image biblique que nous avions choisie de la grande nuée de témoins (cf. Hébreux 12,2) et en approfondissant notre compréhension de la signification du « témoin » (martys) et de la composition de la nuée. À travers les siècles, le mot « martyr » a été compris de différentes manières. Selon la compréhension la plus commune du terme, le martyr est une personne qui a subi une mort violente en raison de sa foi – une mort acceptée librement à cause du Christ mais non recherchée comme une fin en elle-même. Au cours du XXe siècle, le terme vint à désigner également ceux qui moururent en faisant face à l'injustice à cause de l'Évangile. Nous avons réaffirmé que le sens original et plus large du mot « martyr » indique simplement quelqu'un qui, comme le Christ, témoigne de la vérité de l'Évangile jusqu'à la fin. Ceux qui peuvent être qualifiés de « héros de la foi », qui témoignèrent du Christ à travers toute leur vie, mais ne rencontrèrent pas la mort violente, appartiennent certainement à « la grande nuée », la communion des saints – qu'ils puissent être nommés ou qu'ils restent anonymes. Dans nos réflexions, nous prenons en compte ces diverses définitions.

2.2 Nous avons écouté les histoires des prophètes, des saints hommes et des saintes femmes des Écritures juives ainsi que des saints et des martyrs du Nouveau Testament, et nous nous les sommes réappropriées.

2.3 Ensemble, nous avons relu le passé dans un esprit de guérison des mémoires. Nous avons commencé par reconnaître que les événements et les personnes dont nous nous souvenons peuvent nous maintenir séparés, mais que le fait de faire mémoire ensemble nous rapproche les uns des autres. Un tel acte de mémoire peut constituer un acte de confession qui nous ouvre une voie pour nous réapproprier ensemble des témoins du passé. La repentance et le pardon pour les actes passés de violence inter-confessionnelle peuvent plus facilement se produire lorsqu'on réfléchit ensemble à ceux qui, en mourant, ont pardonné leurs persécuteurs.

2.4 Nous avons écouté les histoires de témoins du XXe siècle qui sont allés jusqu'à la mort. Elles comprenaient les récits de ceux dont la voix a été réduite au silence sous des régimes totalitaires (par ex. en Argentine, au Brésil, au Chili, en Allemagne, en Roumanie et en Russie); de ceux qui moururent en résistant contre l'impérialisme, le colonialisme et l'injustice raciale (par ex. en Corée et en Afrique du Sud); et des Arméniens victimes du génocide du début du XXe siècle. Le martyre continue d'exister dans notre propre siècle. Nous avons entendu l'histoire des Frères mélanésiens dont le témoignage de foi s'acheva par la mort en 2003. Ces histoires locales débordent toutes les frontières par la vérité et la force de leur témoignage de fidélité au Christ. Nous avons à la fois pleuré et célébré ensemble. Dans le contexte de grave persécution, la puissance du témoignage dépasse toute division terrestre. Cela nous place une fois encore à l'intérieur de la communion des saints.

2.5 Il y eut parmi nous la conviction croissante que ces témoins de la foi n’appartiennent pas uniquement à des groupes confessionnels particuliers mais qu’ils peuvent être la joie et la consolation de toutes les Églises, comme aux premiers siècles de l’ère chrétienne déjà. De même, certains héros significatifs de la foi du passé n’appartiennent plus exclusivement au groupe confessionnel dont ils sont issus mais peuvent être considérés comme l’héritage commun de l’Église une, sainte, catholique et apostolique.