«Etre minoritaire ne signifie pas être insignifiant»


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L’avenir des chrétiens passe-t-il aussi par un dialogue accru avec les autres religions ?

Il faut être très clair sur ce point. Je ne suis pas d’accord quand on affirme que le christianisme est l’un des trois monothéismes. Le christianisme est un monothéisme spécial, car la voie qui nous porte à Dieu comme communion et Trinité, c’est un homme. C’est par l’humanité du Christ que nous pouvons aller à Dieu. Autre spécificité, le christianisme a établi trois ruptures : entre le sang et la famille, entre la terre et la patrie, entre le temple et la religion. Ces trois ruptures empêchent les chrétiens d’être fondamentalistes, nationalistes et uniformes… Certes, la vérité reste une – c’est le Christ ! –, mais l’anthropologie chrétienne est plurielle, et elle doit absolument passer par une interprétation humaine. Une troisième spécificité chrétienne consiste à croire que tout homme est à l’image et à la ressemblance de Dieu. Même si un homme perd sa ressemblance avec Dieu, il garde en lui son image et reste donc toujours capable de faire le bien.

À partir de ces spécificités, et avec cette capacité d’écoute, il faut que nous menions un dialogue pour être ensemble des frères. Ce qui ne veut pas dire avancer dans le dialogue interreligieux avec un esprit irénique, mais mener ces dialogues sur le plan de l’humanité et sur celui de la raison. Tout en ayant le courage de la confrontation, et de demander à l’islam comme au judaïsme de lire les textes comme des paroles humaines où l’on peut trouver la Parole de Dieu, mais sans laisser d’espace au fondamentalisme ou des lectures sans rapport avec la réalité.

Pensez-vous que l’avenir du christianisme peut être obscurci par le choc des civilisations ?

C’est sur l’éthique que va avoir lieu le choc des civilisations. En Italie, par exemple, je vois monter un anticléricalisme qui n’était pas présent il y a dix ans, il se transforme même en antichristianisme.

Comment l’éviter ?

Il faut créer un style d’écoute. Les chrétiens – et notamment les catholiques – écoutent trop peu. Sans écoute, pas de communication et pas d’avenir commun. Seul un exercice d’écoute peut conduire à la communication, puis la communication mener à la communion. L’Église, dans le domaine éthique, se veut au service de la dignité de l’homme : comment se fait-il qu’elle passe parfois pour fondamentaliste ? Nous nous exprimons à travers des interdits, et nous ne sommes donc pas compris. Nous devons parler aux croyants et aux non-chrétiens avec d’autres termes que ceux de la catéchèse. Si nous présentons la loi naturelle comme l’abécédaire de la qualité humaine de l’homme, nous pourrons participer à la construction d’une éthique mondiale.

Quelle priorité voyez-vous pour l’avenir de l’Église ?

Pour ce qui est de la vie interne de l’Église, il y a un mot que nous n’avons pas le courage d’employer, c’est celui de « synodalité ». La synodalité, cela consiste à cheminer ensemble avec nos différences. L’Église, elle, parle de collégialité, ce qui se réfère à une même appartenance. Or, la synodalité est une nécessité urgente pour montrer que l’Église est une communion dans la diversité. Si l’Église n’est pas une communion en elle-même, elle ne saura pas être en communion avec les autres. Et quand on fait son chemin sans les autres on finit par le faire contre les autres.

Recueilli par Jean-Marie GUENOIS