Jésus Christ dans la Lettre aux Philippiens


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a) « Il n’estima pas comme une possession jalouse d'être comme Dieu »
Avant tout l'hymne considère Jésus dans sa préexistence, lorsqu'il était le Fils de Dieu tourné vers le sein du Père (voir Jn 1,18), lorsqu'il était dans la condition de Dieu: le terme morphé, qui signifie littéralement « forme », ne doit pas désorienter notre compréhension, car dans ce contexte il est équivalent à « l'expression de la réalité profonde » (Rinaldo Fabris), au « mode d'existence dans la substance et la force divine » (Joachim Gnilka). En d'autres termes, Jésus Christ était Dieu, il avait la condition de Dieu, il partageait la plénitude de la divinité, il jouissait d'une existence glorieuse, immortelle. Oui, comme l'a écrit Karl Barth, « cette égalité du Christ avec Dieu est pour ainsi dire l'arrière-plan immobile et dernier d'où son chemin sort et auquel il retourne ».
Or, par nos mots humains, nous pouvons affirmer qu'au cœur du grand mystère de la Tri-unité de Dieu, le Fils a eu une pensée, un sentiment, un projet: il ne parvenait pas à garder cette condition d'égalité à Dieu sans la donner, sans la partager, sans éprouver – en solidarité avec les hommes – le désir qu'ils participent eux aussi à sa condition divine. Voilà pourquoi il « n’estima pas comme une possession jalouse d'être comme Dieu » (Ph 2,6). Dans cette première action du Fils, nous entendons le récit de sa radicale distinction de tout être humain, de chacun d'entre nous: car nous, lorsque nous jouissons d'une condition de bien-être ou de pouvoir, nous cherchons à la conserver de manière égoïste, sans les autres, voire même contre eux.
Dans sa vie en Dieu, par contre, le Fils a pensé en termes de solidarité; il a voulu partager sa nature divine. Ici transparaît déjà, comme en germe, le fait que la vie de Dieu est l'amour, que « Dieu est amour » (1Jn 4,8.16). Chacun de nous en effet s'aperçoit qu'il aime vraiment quand il désire pour l'autre sa propre condition, et qu'il désire même davantage pour l'autre: la joie, la plénitude de la vie. Voilà le véritable amour, dans lequel doit être inscrite cette volonté de participation, de partage, de communion. Et c'est exactement ce qu'a fait le Fils: il a considéré comme une injustice le fait qu'en tant qu'humains, c'est-à-dire enfants de Dieu, nous ne participions pas à sa nature divine. Signalons, à ce propos, que plus tard, dans le sillage de l'apôtre Paul, la Lettre aux Colossiens affirmera que le Christ est « le premier-né de toute créature » (Col 1,15), le Fils dans la lignée duquel tous les fils ont été engendrés: depuis Adam jusqu'à l'humanité entière.
Ce choix généreux du Christ fait également ressortir son opposition d'avec Adam. Placé devant la vie divine en effet, Adam avait fait confiance à la promesse tentatrice qui logeait en lui (« Vous ne mourrez pas … vous serez comme Dieu »: Gn 3,4-5), et au lieu de recevoir cette vie comme un don de la part de Dieu, il a choisi de la voler, de s'en saisir comme d'une proie; le Fils, en revanche, a voulu que l'intention de Dieu de rendre les hommes identiques à lui se réalise à travers l'« auto-expropriation » qu'il a accomplie, afin d'être pleinement solidaire avec nous.