Jésus Christ dans la Lettre aux Philippiens


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c) « Il s’humilia lui-même en se faisant obéissant jusqu’à la mort »
Le Fils s'est fait homme, pleinement reconnaissable comme tel: de fait, on le connaissait comme « le fils de Joseph » (Lc 3,23), « le fils du charpentier » (Mt 13,55), « le fils de Marie » (Mc 6,3). Et il a toutefois consenti à un mouvement d'abaissement plus profond encore: « il s’humilia lui-même en se faisant obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2,8). C'est le verbe tapeinóo qui est ici utilisé; il désigne le parcours humain du Christ, en parallèle de l'affirmation « il se vida lui-même » (Ph 2,7), employée pour décrire son itinéraire divin. Le mouvement de haut en bas est le même et il se caractérise par l'obéissance du Christ Jésus, celui qui a persévéré dans l'obéissance durant tout son cheminement, en se présentant à nouveau comme l'anti-Adam, comme l'anti-type du désobéissant par excellence (voir Rm 5,12-21): car si Adam est le désobéissant, le Christ est lui l'obéissant jusqu'à l'extrême, jusqu'à la mort. Adam n'a pas été capable d'écoute, tandis que le Christ est toujours à l'écoute du Père.
Mais il faut faire ici une importante précision. S'il est vrai que, conformément à toutes les Écritures, l'obéissance et la foi sont immanentes l'une à l'autre – et ce n'est pas un hasard si Paul parle de « l'obéissance de la foi » (hypakoè písteos: Rm 1,5; 116,26) –, cela s'applique de manière ponctuelle également au chemin humain de Jésus: l'obéissance qu'il a vécue était plein abandon, pleine foi en Dieu. On comprend alors pourquoi Ignace d'Antioche est arrivé à définir Jésus he teleía pístis, « la foi accomplie, parfaite » (Aux Smyrniotes 10,2) et que la Lettre aux Hébreux parle de Jésus comme de « l'initiateur de la foi, qui la mène à la perfection » (ho tês písteos archegòs kaì teleiotés: He 12,2). C'est ce chemin d'obéissance, d'écoute, de soumission aux hommes et à Dieu qui conduit Jésus à la mort, et à la mort en croix. L'histoire de Jésus se consomme sur la croix; mais ne nous y trompons pas: cette issue ne signifie pas que la mort en croix serait le motif de sa venue parmi nous, ni qu'il s'agirait du résultat d'un hasard ou d'une fatalité aveugle. Non, la croix est l'issue à laquelle conduit une vie dans la justice et dans l'amour: en effet, plus la justice et l'amour resplendissent, plus l'injustice et la haine se déchaînent. La croix n'est donc pas le but de l'incarnation, mais elle constitue la conséquence d'une vie humaine vécue selon l'amour, selon la volonté de Dieu.
« Et même à la mort en croix » (Ph 2,8): cet ajout, qui brise le rythme de la composition de l'hymne, souligne le scandale indicible de la mort soufferte par Jésus. N'oublions pas que la mort en croix est la mort infligée à celui qui est maudit par Dieu (voir Dt 21,23; Ga 3,13), pendu entre le ciel et la terre, parce que refusé tant de Dieu que des hommes; c'est la mort dans la honte (voir He 12,2), le « supplice réservé aux esclaves » (Tacite, Histoires IV,11,3). Cicéron avait écrit que « le mot même de croix doit rester éloigné non seulement du corps des citoyens romains, mais également de leurs pensées, de leurs yeux et de leurs oreilles » (Pour Rabirius 5,16). Or Jésus a accepté même cette forme de mort, par laquelle il apparaissait blasphémateur aux yeux des hommes religieux et nocif pour le bien public aux yeux du pouvoir impérial romain. Sa fin ignominieuse nous fait le récit du fait que, dans un monde injuste, le juste est refusé, poursuivi et, si possible, tué (voir Sg 2).
Mais c'est précisément en mourant en croix que Jésus a témoigné de sa fidélité persévérante dans l'amour et dans la totale solidarité avec les hommes. Cette humiliation extrême de Jésus peut être illustrée par son cri: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » (Mc 15,34; Ps 22,2). Ici, nous nous trouvons vraiment face à l'abaissement de Dieu, qui se vide totalement de lui-même: celui qui était Dieu en vient à pousser cet ultime cri. Et il peut le faire car il se trouve dans une condition toute humaine, voire dans la condition même où peut se trouver l'homme a-thée, sans Dieu, qui, paradoxalement toutefois, continue d'invoquer le Père en reprenant les paroles du Psaume… Dans cette humiliation, on peut percevoir aussi l'écho de ce que Paul affirme dans la Première lettre aux Corinthiens concernant la « parole de la croix » (ho lógos ho toû stauroû: 1Co 1,18), scandale pour les juifs, les hommes religieux, et folie pour les nations, les intellectuels païens, mais puissance et sagesse de Dieu (voir 1Co 1,22-25).
Oui, Jésus s'est humilié, il s'est abaissé jusqu'à la mort honteuse de le croix, assumant la condition du dernier par excellence. C'est ce que Charles de Foucauld contemplait – lui qui a incarné de manière si unique cette hymne – lorsqu'il pouvait affirmer, en reprenant une phrase de l'abbé Huvelin: « Jésus a pris la dernière place qui ne lui sera jamais ôtée ». Et frère Charles écrivait aussi: « L'incarnation a sa source dans la bonté de Dieu … Mais une chose apparaît avant tout si merveilleuse, si scintillante, si surprenante qu'elle resplendit comme un signe lumineux: c'est l'humilité infinie que ce mystère contient … Dieu, l'Être, l'Infini, le Parfait, le Créateur, le Tout-Puissant, le Seigneur immense et souverain de tout, qui se fait homme, qui s'unit à une âme et à un corps humains et apparaît sur la terre comme homme, voire comme le dernier des hommes ».