Le chrétien dans la Lettre aux Philippiens


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d) « Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant »
Immédiatement après le passage que l'on vient de commenter, comme pour le compléter, Paul adresse aux chrétiens un avertissement auquel nous sommes peu habitués:
Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d'avoir déjà saisi; je dis seulement ceci: oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus (Ph 3,12-14).

Voici un thème propre à la spiritualité chrétienne authentique: en raison de son désir de connaissance amoureuse du Seigneur Jésus Christ, le chrétien renonce à regarder en arrière. C'est une loi simple et pourtant oubliée: dans la vie spirituelle, celui qui regarde en arrière ne va pas en avant! Pour être plus précis, on peut considérer trois manières erronées de regarder en arrière:
La première consiste à ressasser ses péchés: ce comportement est une sorte de virus qui s'insinue dans le cœur du croyant, causant une véritable situation de paralysie et empêchant une vie réellement chrétienne. Non seulement Dieu pardonne les péchés, mais il les efface, il les oublie, car le cœur de Dieu est plus grand que notre conscience (voir 1Jn 3,20). Comme en témoigne Isaïe: « C'est moi, moi, qui efface tes crimes, et je ne me souviendrai plus de tes fautes, dit le Seigneur » (Is 43,25).
La deuxième manière trompeuse de regarder en arrière, c'est de se mesurer constamment, comme pour faire le bilan et en venir à se dire: « Aujourd'hui je suis meilleur ou pire qu'hier. » C'est une attention narcissique à soi-même qui ne plaît pas au Seigneur. Tôt ou tard en effet, cela nous amène à établir les mêmes bilans sur le compte des autres…
Enfin il arrive encore que l'on regarde en arrière pour nourrir des nostalgies, et regretter les conditions qui appartiennent à notre passé, en niant ce qui s'est produit et qui appartient désormais de façon intégrante à notre histoire.
Or Paul affirme avec résolution qu'il veut oublier son propre passé. Sans vouloir lui faire de procès psychologique, on doit reconnaître que bien des fois il avait exprimé un jugement fort sur ses vicissitudes, affirmant qu'il est un « avorton » (1Co 15,8), qu'il est « le moindre des apôtres, qui ne mérite pas même d'être appelé apôtre, parce qu'il a persécuté l'Église de Dieu » (voir 1Co 15,9): mais l'âge venu, il comprend que, s'il avait continué à donner à son passé d'ennemi de Jésus un poids trop grand, il en aurait été paralysé. Sa course en avant, sa manière de vivre comme un croyant « tendu de tout son être vers le but » (voir Ph 3,13-14) est pour nous tous un grand enseignement: en tant que chrétiens, nous devons en effet savoir qu'il nous faut considérer davantage le Christ que nous-mêmes, car c'est en le contemplant lui que, « le visage découvert, en réfléchissant comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, par le Seigneur, qui est Esprit » (2Co 3,18). Cela aussi, même si l'on tend à le refouler aujourd'hui, fait partie de la « sur-connaissance » du Christ à laquelle Paul appelle le chrétien.